Pour commencer, je souhaite me présenter à vous. J’ai 66 ans et j’habite dans une commune de 4581 habitants des Hauts-de-France. Je suis retraité de la Police nationale depuis janvier 2009. J’ai effectué ma carrière durant 9 ans en région parisienne et 25 au sein du même service, dans une commune du nord de la France.
En 2005, le 6 juin exactement, suite à des problèmes de santé, on m’a diagnostiqué cinq cancers au foie et le professeur m’a dit qu’il me restait six mois à vivre. Je n’ose vous expliquer le coup de massue que j’ai ressenti à la suite de ce pronostic funeste.
Pour moi, c’était la fin d’une vie que j’ai consacrée à protéger les gens et les institutions de la République. J’allais abandonner ma famille.
En septembre 2005, le professeur du CHR de Lille m’a appelé à mon domicile pour me dire que j’avais une chance sur cent de m’en sortir : c’était la transplantation. J’ai donc pris, après consultation, la décision de tenter l’opération. Je suis entré au CHR de Lille le 15 octobre 2005 et en suis sorti le 15 décembre 2005 avec ces mots que j’entends encore : « il faut que l’opération soit faite avant le mois de mars 2006 ». Sinon, c’était la grande destinée finale…
Pendant un mois, j’avais constamment le téléphone portable sur moi dans l’espoir de recevoir ce message me disant : «c’est pour aujourd’hui». Cette terrible épreuve, j’ai réussi à la dépasser. Je suppose que j’étais un battant, que je voulais m’en sortir. Durant ma maladie, j’avais appris que ma belle-fille était enceinte, je voulais connaître la naissance de mon premier petit-fils qui était prévue pour le mois de mars 2006. C’était également mon dernier anniversaire, mon dernier Noël, ma dernière « bonne année ». Je me sentais diminué après avoir perdu 42 kilos en six mois !
Je ne souhaite à personne ces moments difficiles que j’ai vécus.
Puis est arrivé ce fameux 14 Janvier 2006 à 4h30 du matin quand j’ai reçu un appel téléphonique du CHR de Lille (service transplantation) qui me demandait de venir le plus rapidement possible car c’était pour aujourd’hui .Ce samedi matin restera gravé à jamais dans ma mémoire car, après une opération de 18 heures et 17 jours en soins intensifs, je suis sorti du CHR avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête.
Il faut savoir que nous sommes dans l’obligation, n’étant plus immunisés comme des personnes normales, de prendre à vie nos traitements antirejet et plusieurs médicaments (18 par jour) à une heure fixe et sans y déroger sinon, c’est la mort.
Pourquoi est-ce que je vous raconte tout cela ? C’est qu’en cette période de coronavirus, je dois me protéger plus que les autres. Et moi qui aime la vie sociale, je suis encore plus contraint à l’isolement !
Les médias parlent des uns et des autres ! Protégez-vous, restez chez vous ! Je vous y engage ! Mais jamais, oh ! Non jamais, je n’ai lu un article ou vu un journal télévisé traiter de la vie d’un transplanté face à cette merde !
Alors moi, j’ai décidé de vous dire ce que nous ressentons, nous les transplantés !
Le confinement, les interdictions de ceci ou de cela, nous savons ce que c’est ! Mais arrêtez de nous bassiner avec vos âneries sur Facebook…
Nous devons prendre nos cachets matin et soir, avoir un masque de protection ainsi que des gants pour éviter que ce virus vienne nous atteindre. Nous vivons dans la peur et l’angoisse aussi bien pour nous que pour notre famille. Je ne vois plus mes enfants ni mes petits-enfants, au nombre de cinq, que j’adore tous. Ils me manquent mais je suis obligé de vivre cloîtré à mon domicile en priant le bon Dieu pour que je sois préservé de «ce putain» de virus. C’est dur pour tous mais particulièrement pour moi. Me connaissant, je me battrai jusqu’à mon dernier souffle pour vaincre cette menace.
Si vous voulez savoir ce que je fais tous les jours, c’est simple : le matin, je me lève, je prends mon café comme tout le monde, je déjeune, je lis mon journal quotidien, je passe me rafraîchir dans la salle de bain puis je jardine. Je tonds ma pelouse, bricole, range mon garage car j’ai la chance d’être dans une commune où il fait bon vivre.
Je contacte mes enfants et petits-enfants par téléphone, j’aime savoir s’ils vont tous bien, cela me rassure et me met du baume au cœur.
Si vous me le permettez, j’aurais une pensée particulière pour la personne qui m’a donné son organe afin de pouvoir continuer à vivre et de connaître le bonheur de voir la naissance de mes cinq petits-enfants ainsi que le mariage de mon fils. J’ai eu l’honneur ce jour-là de conduire ma belle-fille à la mairie et à l’église, ses parents étant malheureusement décédés.
Je remercie également tous les professeurs, les médecins, le personnel hospitalier, les infirmières, les pompiers, les policiers, les ambulanciers, les chercheurs qui travaillent d’arrache-pied tous les jours pour nous permettre de vivre dans notre beau pays et dans le monde entier grâce leurs soins dévoués.
Maintenant, je voudrais terminer en disant à tous « ces cons et connes » qui n’en ont rien à foutre des directives de confinement prises par notre gouvernement que la maladie n’arrive pas qu’aux autres, elle est à votre porte sans que vous le sachiez . Alors, je vous en supplie, restez chez vous. Vous êtes les garants de notre futur, pensez à nos enfants et petits- enfants.
DE TOUT MON CŒUR, JE SOUHAITE VOUS REVOIR TOUTES ET TOUS EN PLEINE SANTÉ !
PRENEZ SOIN DE VOUS ET A BIENTÔT !
MARCEL,