Portrait Robert Hilf

0
619

Nous inaugurons ce trimestre une rubrique-feuilleton qui consiste à présenter des adhérents dont le parcours (professionnel, social, associatif) mérite d’être exposé. 

Ces portraits sont réalisés sous format d’enquête.  Ce style de présentation est un clin d’œil  à nos vieilles pratiques inquisitrices.  Pour cette première, nous interrogeons un vétéran de la guerre d’Algérie, devenu policier à la Préfecture de police de Paris. 

Qui êtes-vous, Robert Hilf ?

Je m’appelle HILF Robert, je suis né le 21 juillet 1937 à Paris (XX°). 

Mon nom trouve ses origines dans les langues germaniques et signifierait « secours », j’étais donc prédestiné aux métiers d’aide et de secours ! Ce terme désignait  les génies scandinaves les Elfes (eau, air et feu) que l’on invoquait pour obtenir leur aide, leur secours. Pour éviter de porter le nom de ces génies et de les offenser inutilement,  les tribus ont décliné ce patronyme en « ilfe » ou « hilfe ». C’est ainsi que l’on retrouve dans l’histoire des chefs « Ilfe » ou « Hilfe », les uns débonnaires,  les autres sanguinaires. Le nom « ilfe » s’est importé en Bretagne (500-900 après JC) où les génies vont s’appeler les sylphes. Voilà pour la petite histoire, merci à ma défunte épouse pour cette recherche étymologique.

Êtes-vous fils, petit-fils, frère de policier, de militaire, de gendarme ? 

Je n’ai aucun parent proche qui était dans une de ces professions. Toutefois, mon oncle maternel était devenu gardien de la paix au sein de la PP en 1921. Ancien combattant de 14-18, il a terminé son parcours au grade d’inspecteur principal. C’est lui qui indirectement m’a fait entrer à la PP en 1964. Mon oncle faisait partie du mouvement de résistance  » Front national  » sans aucune relation avec le parti politique que l’on a connu par la suite. Le nom a été repris parce qu’il n’avait pas été déposé.

Diplômes ou métier exercé avant la police ?

J’ai obtenu, comme beaucoup, à l’après-guerre, mon certificat d’études primaires en 1951. Puis  j’ai suivi une formation professionnelle comme apprenti électricien, mi-école mi-chantier, en octobre 1951. En 1955, je suis engagé comme magasinier dans une société de matériel électrique jusqu’à mon départ au service militaire en septembre 1957. À mon retour, mi-janvier 1960, je retrouve cet  emploi mais mon employeur réduit mon salaire et je décide de chercher un métier dans lequel je pourrai construire une carrière. 

Parcours militaire avant la police le cas échéant (service, engagement, durée, lieu, arme, grade, campagnes, etc.) ?

J’ai 84 ans et je suis ancien combattant d’Afrique du Nord, en Algérie J’ai été appelé sous les drapeaux le 1er septembre 1957. Je suis de la classe 57/2/A. J’étais affecté dans un régiment de transmissions. J’ai accompli mes vingt-sept mois et quelques jours en totalité là-bas. J’ai suivi le peloton des élèves gradés et j’ai été nommé, après concours, caporal à sept mois d’armée. Puis j’ai été promu sergent à seize mois, ce qui fait que j’étais sous-officier au-delà de la durée légale  durant plus de six mois. 

 Parcours détaillé en police dont écoles, décorations, félicitations, actions d’éclat ou belles affaires, etc. ?

Après concours, j’entre à l’école Beaujon de Paris (XVII°) le 1er mars 1964  comme élève gardien de la paix (nomination 64-2-A). Je suis titularisé au grade de gardien en septembre 1965. Et je suis affecté à la compagnie du 3èmedistrict de la Préfecture de police de Paris puis suburbaine en 1967.

Je suis reçu au concours d’officier en 1969. Je suis ma formation initiale durant douze mois à l’école supérieure de la police nationale à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, dans le Rhône.

A la fin de ma formation, je suis nommé officier de paix stagiaire, en cycle de nuit à Asnières  qui constituait de mémoire le 26ème district.

J’ai achevé ma carrière comme commandant fonctionnel, adjoint au chef de service, au commissariat du 7èmearrondissement de Paris.

Décorations ?

Je suis titulaire de la croix du combattant, de la commémorative d’AFN et de la médaille d’honneur de la Police nationale. Je suis membre de la FNACA depuis de nombreuses années.

Félicitations ?

J’ai reçu des félicitations diverses mais la plus importante à mes yeux est celle qui m’a été adressée en tant que gardien, en 1965, pour avoir sauvé une dame de la noyade. J’étais sur un point de circulation au pont d’Asnières (92) lorsque des passants m’ont alerté par leurs cris.

Distinction civile ? 

La médaille de vermeil, je préfère dire d’or car personne ne sait que c’est un cran au dessus, de la Ville de Paris (mairie du 7ème arrondissement) pour services rendus, ce qui est rarissime pour les gens de la Préfecture de police.

Parcours après la police le cas échéant ?

À la retraite, je me suis engagé dans  une petite carrière  de conseiller municipal et j’ai été élu avec Serge Dassault de 1998 à 2003.

Quelle était votre motivation pour devenir policier ? 

En 1962, j’étais en vacances en Ariège avec mon épouse et mon premier enfant. J’avais été élevé dans ce département pendant la Deuxième Guerre mondiale et, à sept ans, j’avais été témoin des exécutions sommaires de ceux qui étaient accusés de collaboration. Mon oncle maternel avait été policier et, comme je me plaignais de ma situation professionnelle précaire, il m’a conseillé de tenter le concours de gardien à la PP en m’encourageant ensuite à passer des concours pour gravir les grades et échelons. Il existait à cette époque un vrai escalier social. J’ai suivi ses conseils avisés.   

Je peux vous narrer deux événements qui ont marqué ma carrière.  

En 1991, étant commandant fonctionnel au commissariat du VII° et bénéficiant du statut d’officier référent sûreté à la zone de défense, j’ai été chargé de travailler à la mise en place d’un lieu sécurisé susceptible d’accueillir le président de la République en cas de crise grave. Je ne peux en conter plus mais je peux dire que j’ai approché à cette époque l’entourage proche du président Mitterrand et du premier ministre. 

À la fin du conflit dit « du Golfe », j’ai été invité à l’état-major du ministère de la Défense pour un repas destiné à récompenser ceux qui avaient œuvré à la mise en place de ce lieu sécurisé. Les généraux trois et quatre étoiles étaient surpris d’avoir un petit quatre galons à leurs côtés. L’un d’entre eux, assis à côté de moi, m’a demandé : « Vous avez quoi comme diplôme ? ». J’ai répondu :  » Mon certificat d’études primaires, j’ai commencé à travailler à 14 ans. »  Surpris, il a ajouté : « Vous n’avez pas fait l’école de guerre ? ». « Non, mon général, j’ai fait quand même vingt-sept mois d’Algérie.» Il a conclu : « Ces vingt-sept mois valent bien cette école et je vous félicite pour la réussite que vous méritez. »

Le deuxième événement concerne Serge Gainsbourg. J’ai été aussi un ami de l’artiste que je croisais au commissariat de temps à autre. Il entretenait des relations d’amitié avec les gardiens du poste. Apprenant la mort d’un gardien de la nuit abattu par un forcené, il avait donné 10 millions de centimes à la veuve ! 

C’est une anecdote inconnue du grand public et qui montre la générosité du compositeur, souvent considéré à tort comme distant, éloigné des humbles. 

Enfin, dernière anecdote : il existait dans les services, à cette époque, des amicales qui géraient des “foyers”. Les petits bénéfices récoltés permettaient l’exercice d’une vie sociale et cela soudait les collègues. Grâce à un brigadier artiste et graveur talentueux, j’avais pu faire fabriquer des médailles commémoratives qui étaient offertes aux retraités et à ceux qui mutaient. Les récipiendaires étaient touchés et fiers de conserver un souvenir de leur passage au VII° arrondissement, j’ai bien entendu conservé la mienne.

Depuis quand êtes-vous à l’UNRP ? 

Je suis à l’UNRP depuis quelques années grâce à Michel Gabet que j’ai connu au commissariat de Juvisy (91) et qui est administrateur national.

Quelles sont les actions qui vous tiennent à cœur dans votre engagement associatif ? 

J’aime témoigner des valeurs de notre police. Aujourd’hui, je suis surtout engagé dans le devoir de mémoire.

Passions et hobbies, collections, etc. ?

Je collectionne de vieux documents relatant l’histoire de la PP. Je m’intéresse à la généalogie et je participe autant que possible aux cérémonies commémoratives.