Début octobre 2022, le directeur de la Police nationale a été accueilli à Marseille par une manifestation de policiers. Le patron de la PJ locale, Éric Arella, a été remercié, ce qui a créé un rejet plus important encore de la réforme proposée par le gouvernement.
La réaction du gouvernement, à la suite des manifestations de policiers à Marseille, ne s’est pas fait attendre. En effet, le patron de la police judiciaire du Sud de la France a été remercié le 7 octobre 2022. La colère a grondé du côté des policiers du Sud et même de la France entière. Il en a été de même pour la justice qui a réagi vivement après cette éviction.
Revenons sur les raisons de ce rejet de la réforme du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
Une seule autorité pour la police : moins d’indépendance pour chaque service de police
La réforme indique que les services de police départementaux (renseignement, police judiciaire, sécurité publique…) seraient sous la responsabilité d’un directeur départemental de la Police nationale (DDPN).
À l’occasion de l’annonce de ce projet de réforme, une association a été créée, l’ANPJ (Association nationale de la police judiciaire), afin de démonter la réforme et prouver à quel point elle serait désastreuse tant pour le travail de la police, de la justice que pour la sécurité de nos citoyens.
Persuadés que la réforme va créer une perte de temps, d’indépendance, les policiers français ont manifesté en octobre 2022 partout en France. Ce projet n’est pas plus populaire au sein de la justice. En effet, François Molins, procureur général près la Cour de cassation, a déclaré à la fin de l’été 2022 que cette réforme représente certains dangers.
Des compétences non reconnues
François Molins estime que l’on veut toucher à un système qui fonctionne : un savoir-faire indiscutable depuis plus d’un siècle.
Frédéric Macé, secrétaire général de l’AFMI (Association française des magistrats instructeurs) estiment que les compétences vont être noyées, donc perdues. Il appuie sa déclaration sur des essais actuels dans cinq départements français qui ne sont pas convaincants.
Les réfractaires pensent que ce projet va nuire au travail d’enquête, souvent long.
Quand la police n’aura plus qu’un directeur, la PJ craint que l’organisation devienne anarchique dans le sens où les services ne pourront plus gérer une enquête dans son intégralité, mais qu’ils seront sollicités pour d’autres priorités. Cette crainte est d’ailleurs partagée par un collectif de policiers, magistrats et même de citoyens. Ils se sont exprimés sur le sujet dans les colonnes du journal Le Monde.
Une nouvelle donne : les politiques vont s’en mêler
Les professionnels estiment que les pouvoirs politiques interviendront désormais dans les enquêtes. Ce qui alourdirait encore le travail des enquêteurs.
Les avocats redoutent également que le travail de la police judiciaire ne soit saccagé par les autorités politiques et même par le préfet : « des dangers que porte ce projet d’interférences du politique par l’effet du renforcement de l’autorité des préfets sur la police ». Cela signifie une perte d’indépendance de la justice et de la police, des conséquences sur la sécurité des citoyens et surtout, plus de séparation des pouvoirs.
Une organisation critiquée
La criminalité n’est pas départementale, mais nationale et internationale. Comment enquêter au niveau du département quand une enquête peut toucher le territoire national et parfois, l’international. Un trafic de drogue, par exemple, est rarement localisé à un seul endroit. Il y a souvent des ramifications nationales voire internationales. La police deviendrait alors impuissante face aux réseaux, vastes, des trafiquants de drogue. Cela n’a aucun sens puisque la police des frontières ne pourrait plus intervenir par exemple.
Un rapport sénatorial doute de cette réforme voulue par le ministre de l’Intérieur
Ce rapport alerte sur les risques de placer la police départementale sous un responsable départemental unique de la Police nationale.
Début février, des sénateurs ont réagi à ce projet en le qualifiant d’inadapté et ont demandé à Gérald Darmanin de le modifier. Cette demande est d’autant plus sérieuse, car c’est un soutien habituel du ministre de l’Intérieur qui le lui a demandé, le sénateur LR Philippe Dominati.
Une réforme inadaptée et dépassée
Cette réforme ne va pas aider la PJ, mais qui va la tirer vers le bas plutôt. En effet, les enquêteurs seraient désormais intégrés dans un service déjà submergés par des affaires qui tardent à être résolues. Par ailleurs, le préfet serait plus impliqué qu’il ne l’est déjà.
Le sénateur LR a estimé dans son rapport que les services de police doivent rester autonomes dans leur travail d’enquête.
Une mobilisation annoncée pour le 16 mars pour refuser cette réforme
L’association nationale de la police judiciaire (ANPJ) a choisi la date du 16 mars pour dire son mécontentement et son rejet de cette réforme. Elle incite les élus, la justice et même les citoyens à rejoindre cette manifestation.
« Pour dire non à la liquidation judiciaire », l’ANPJ propose une « mobilisation générale » jeudi 16 mars à midi « devant les tribunaux judiciaires, accompagnés des avocats, des magistrats, des élus et de tous les soutiens qui voudront nous rejoindre ».
Le 6 mars dernier, plus de 1 000 membres de la police judiciaire s’étaient rassemblés devant leurs services à l’appel de l’ANPJ. L’association souhaite échanger avec le Président de la République pour faire annuler cette réforme.
Mais le 3 mars, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a confirmé la mise en place de cette réforme d’ici à la fin de cette année.
Crédit photo Darya Sannikova